Après une jolie semaine de pause, nous quittons la Murthy Surf School pour quelques jours. Direction donc le sud et la ville d’Auroville.
Auroville, c’est une petite ville située à quelques kilomètres de Pondichéry. Mais, ce n’est pas n’importe quelle ville et nous n’y allons pas par hasard. Quand j’ai préparé notre itinéraire vers l’Est du monde, j’avais inscrit ce lieu dans ce que je voulais découvrir. Pourquoi ?
Je vais vous présenter ce village, et vous allez mieux comprendre maintenant que vous nous connaissez.
Qu’est-ce qu’Auroville ?
« Inventer une cité universelle où hommes et femmes de tous les pays doivent pouvoir vivre en paix et en harmonie au-dessus de toute croyance, de toute politique et de toute nationalité ». (Mirra Alfassa)
Auroville c’est donc le rêve d’une femme, Mirra Alfassa (une française), appelée la Mère. Elle fut la compagne de Sri Aurobindo, le fondateur de l’ashram de Pondichéry. Elle rêve alors d’un lieu où les hommes et les femmes, de toutes origines, vivent en harmonie loin des croyances, de la politique, de l’argent et des discriminations. Lorsqu’elle présente son projet, elle dit : « Il devrait y avoir quelque part sur Terre un lieu qu’aucune nation ne pourrait revendiquer comme étant sien, où tous les êtres humains de bonne volonté mus par une aspiration sincère [sous-entendu la Vérité] pourraient vivre librement en citoyens du monde et obéir à une seule autorité, celle de la Vérité.»
À cette époque, le site est aride, sans eau, et l’on y trouve qu’un banian, arbre sacré en Inde (car sans cet arbre, l’éveil de Bouddha n’aurait jamais eu lieu). Les premières femmes et les premiers hommes ont donc pour but de creuser des puits, des retenues d’eau, des canaux d’irrigation et ils installent des éoliennes. Pendant 40 ans, ils y plantent plus de deux millions d’arbres et arbustes comme des acacias d’Australie, des santals ou encore des margousiers.
C’est ainsi qu’Auroville, la ville de l’Aurore, voit le jour en 1968 et a donc pour objectif de réaliser l’unité humaine. Elle est soutenue par l’UNESCO et le gouvernement indien qui est très proche de personnalités comme Gandhi, ainsi que par des figures locales comme l’entrepreneur Tata, ou encore le maharadja de New Delhi. Tous reconnaissent Auroville comme « une ville culturelle internationale ».
En son centre, se dresse le Matrimandir (la Maison de la Mère), l’âme du lieu. Il s’agit d’une sphère dorée de 36 mètres de diamètre et à l’intérieur de laquelle se trouve une pièce de marbre blanc qui abrite un globe de cristal de 70cm de diamètre (peut-être le plus gros du monde) qui reflète les rayons du soleil. Ce lieu, sans fleurs, sans bougies, sans encens, sans musique, accueille les Aurovilliens qui souhaitent pratiquer la méditation.
Le Matrimandir est entouré de douze jardins auxquels la Mère a donné les noms de : Existence, Conscience, Félicité, Lumière, Vie, Puissance, Richesse, Utilité, Progrès, Jeunesse, Harmonie, Perfection. L’architecte français Roger Anger a donné au Matrimandir et à ses douze « pétales » la forme d’un lotus en pleine floraison symbolisant la Conscience Divine.
Au moment où nous découvrons le Matrimandir, un lac est en cours de création autour de lui. Celui-ci a pour objectif de créer une atmosphère calme et concentrée que la Mère souhaitait voir dans ce lieu.
Aujourd’hui, il y a environ 3 300 personnes qui vivent à Auroville. On y trouve ainsi 40% d’Indiens, 20% de Français et le reste se répartit entre soixante-cinq nationalités. Ces résidents vivent disséminés dans la forêt et forment des communautés qui portent le nom d’Aspiration, Fraternité, Certitude ou encore Dana.
“L’instruction serait donnée, non en vue de passer des examens ou d’obtenir des certificats et des postes, mais pour enrichir les facultés existantes et en faire naître de nouvelles…”
Auroville reçoit des dons à la fois de la part de l’État indien, mais aussi de l’association Auroville International. Ces fonds permettent de subventionner l’éducation (toutes les écoles d’Auroville sont gratuites) et le centre médical (également gratuit), ainsi que de développer la ville et ses infrastructures.
Et la vie sur place pour les Aurovilliens ?
Ce n’est pas facile de devenir résidents permanents à Auroville. Et pour vous dire toute la vérité, il faut avoir de l’argent. En effet, avant d’intégrer la cité, il y a une « période d’essai » de deux ans pendant lesquelles vous ne recevez aucun revenu. Pendant ces deux années, vous travaillez bénévolement pour la communauté en fonction de vos compétences et de vos envies (agriculture, reboisement, éducation, entretien de la ville …).
Une fois que vous êtes Aurovilliens, vous recevez un revenu universel de 19 000 roupies, soit environ 210€. Pour beaucoup de résidents, ce montant ne suffit pas pour vivre et travailler bénévolement. Alors beaucoup se lance dans des activités, plutôt tournées vers le tourisme, comme des guest houses, mais aussi dans l’artisanat, la bijouterie, la poterie, la fabrication de vêtements, les cours de yoga, les massages ayurvédiques … Un tiers des revenus gagnés est reversé à la Fondation, et le reste servent à régler ses propres charges.
Comment est-ce que je peux vous en parler ainsi. Eh bien, pendant notre semaine sur place, nous avons pris le temps d’échanger, de discuter à plusieurs Aurovilliens qui nous ont confié leur quotidien sur place. Leurs joies, leurs aspirations, leur volonté de voir cette cité utopique grandir et devenir un véritable lieu d’unité humaine. Mais ils nous ont aussi confié les difficultés qu’ils rencontraient et surtout de leur combat pour que ce lieu puisse continuer d’exister tel que l’avait imaginé la Mère.
En effet, depuis quelques années le gouvernement en place (très proche des milieux nationalistes et qui voudrait que l’Inde appartienne aux Indiens) souhaiterait prendre la main sur Auroville et cherche par tous les moyens possibles de faire sortir les étrangers de la ville. L’été dernier, le gouvernement a positionné une femme comme secrétaire de la Fondation et c’est le bras armé pour reconquérir Auroville. Depuis, les relations se sont vraiment durcies. Par exemple, cette personne a envoyé des machines pour détruire le lieu qui accueillait la jeunesse aurovillienne afin de construire une route. Les habitants ne se sont pas laissés faire et ont aussitôt reconstruit un lieu à proximité.
En s’y baladant comme touristes, on ne voit pas toute cette tension, mais en échangeant avec les habitants, cette tension est palpable et la résistance se prépare.
Voilà pour l’histoire de cette cité utopique. Maintenant je vais vous parler de notre expérience sur place.
Au départ, nous avions prévu d’y rester le temps du week-end, puis de partir visiter Pondichéry. Mais cela ne s’est pas du tout passé comme prévu.
Notre séjour à Auroville
Nous sommes donc arrivés samedi après-midi sur place. Nous nous dirigeons vers le Visitor Center où nous demandons si nous pouvons rester sur le parking principal pour y dormir une nuit. Malheureusement, nous recevons un refus. Ce n’est pas grave. Nous prenons le temps d’aller voir le Matrimandir. Nous suivons un petit chemin arboré, très agréable avec la chaleur de l’après-midi. Sur le chemin, nous découvrons les noms des douze pétales qui entourent le monument qui représentent douze qualités (courage, progrès, réceptivité, aspiration, persévérance, gratitude, humilité, sincérité, paix, égalité, générosité, bonté) et chacune est symbolisée par une fleur comme par exemple la marguerite, l’ipomoea carnea, le jasmin de nuit, ou encore le glaïeul.
Juste avant d’arriver, nous passons près d’un gigantesque banian. Il est impressionnant. Certaines de ses branches se dirigent vers le sol et quand elles l’atteignent, elles prennent racine dans la terre ce qui permet à l’arbre de se répandre sur un grand secteur. Vraiment, cet arbre est magique et on s’imagine bien y construire une cabane.
Au bout, du chemin, nous arrivons devant le Matrimandir. Cette boule en or est majestueuse et inspire la sérénité. Nous ne pouvons l’admirer que de loin. Les enfants aimeraient pouvoir la visiter et découvrir l’intérieur. Mais, je leur rappelle que c’est un lieu de méditation et que si des centaines de touristes venaient chaque jour, l’atmosphère ne serait pas propice. Nous nous imaginons donc cette salle qui doit être d’une pure blancheur, avec cette boule de cristal en son centre qui permet aux rayons du soleil de se refléter. Une pièce sans bruit, sans odeur, sans décoration ce qui permet de se concentrer pleinement sur soi.
Nous revenons ensuite vers le Visitor Center et profitons des petits cafés pour faire une pause pour le goûter.
Ne pouvant pas rester sur le parking pour la nuit, nous allons demander à un restaurateur si nous pouvons rester pour deux nuits sur le parking qui se trouve à l’arrière de son restaurant. Le propriétaire accepte. C’est chouette. Nous allons pouvoir profiter de la journée du lendemain.
Dimanche matin, après un petit-déjeuner pancakes, nous allons nous promener dans la ville. Mais, nous sommes dimanche et toutes les structures sont fermées. Le Pavillon français, la bibliothèque … tout est fermé. Ce n’est pas grave. Nous partons nous balader à pied. Nous profitons pleinement de l’atmosphère sereine qui règne ici en parcourant les petits chemins rouges entourés d’arbres.
Pour le déjeuner, nous retrouvons les copains Célia et Mathieu, Roule ma Poule, qui sont là depuis quelques jours. Les enfants sont heureux de se retrouver, et les adultes aussi. Dans l’après-midi, nous allons à Certitude, une aire de jeux pour les enfants. Nous y faisons la connaissance de Peggy et Cédric, et leurs trois enfants, une famille française venue à Auroville pour trouver des réponses.
Après presque deux heures passés ensemble, nous quittons Certitude tous ensemble pour nous diriger vers la salle de spectacle. Au programme une pièce alliant théâtre et chansons interprétée par des enfants. Les thématiques abordées sont organisées autour de l’écologie, des problématiques de surconsommation, de l’alimentation saine, de l’addiction aux écrans, des castes (entre les riches et les pauvres), du droit de faire des erreurs… Autant de sujets importants pour nos sociétés et les générations futures. Après cette représentation, nous terminons la soirée avec les Roule ma Poule autour d’une pizza.
Lundi matin, avant de quitter Auroville, nous décidons d’aller voir s’il y a du monde au Pavillon français. Et nous avons la chance de rencontrer Mickaël, le responsable du lieu, et Fanny, une jeune étudiante venue à Auroville dans le cadre de ces études. Nous parlons longtemps ensemble. Très longtemps. Mickaël nous parle ainsi de son parcours. Du avant Aurovile, du pourquoi Auroville et de ce qu’il s’y passe aujourd’hui. C’est passionnant, nous avons plein de questions auxquelles il répond avec plaisir. Et là, il se passe quelque chose en nous … Yannick et moi nous regardons et instinctivement nous sommes d’accord : il faut que l’on passe plus de temps ici. Nous demandons donc à Mickaël si nous pouvons nous poser devant le Pavillon français pour les cinq prochains jours. Nous recevons un grand « oui ».
Mais nous ne pouvons pas arriver comme cela. En effet, il faut demander une autorisation auprès du comité d’Auroville. Nous envoyons donc tous les documents nécessaires à Mickaël qui s’occupe des démarches.
En attendant, nous partons déjeuner avec les Roule ma Poule qui vont rester également quelques jours ici.
Dans l’après-midi, nous recevons enfin un message de Mickaël qui nous dit que nous avons l’autorisation. Nous allons donc chercher Ookami et nous installons en face du Pavillon français.
Ensuite, nous partons à Certitude (l’aire de jeux) et nous y retrouvons Peggy et Cédric. Nous faisons également la connaissance de Marilou et son fils. Nos louveteaux sont trop contents d’avoir de nouveaux copains et ils en profitent à fond. Nous aussi nous sommes ravis de rencontrer de nouvelles personnes et de pouvoir échanger avec des personnes qui partagent les mêmes valeurs que nous.
Pendant que nous sommes là, Yannick part louer un scooter qui va nous être très utile pour circuler dans Auroville. Parce que, mine de rien, ce village est grand ! Après être passé chez différents loueurs sans succès (les scooters étant tous loué), il revient avec un scooter loué dans la ville d’à côté en fin de journée.
Cédric et Peggy nous convient, ainsi que Célia et Mathieu, dans leur guest house pour partager le dîner. Luna part faire son premier tour en scooter avec Peggy et sa fille, Maïa est partie en vélo avec Mathieu, et Yannick nous a emmené Liam et moi sur le scooter. Sacré convoi !!!
Mardi nous passons une journée en douceur à Ookami. Il faut travailler (quand même) et il y a la préparation de la suite de notre vadrouille à orchestrer. Et, dans l’après-midi, Yannick part en scooter, avec Maïa et Luna, pour aller nous chercher des … croissants. Et je vous assure que, après avoir quitté la France il y a deux ans, nous les avons savourés !!!
Mercredi, nous faisons la rencontre de Moghan, un homme remarquable et très touchant qui vit à Auroville depuis plus d’une dizaine d’années. Nous rencontrons aussi d’autres Aurovilliens avec qui nous échangeons et nous partageons. Ils nous permettent ainsi de mieux comprendre cette cité utopique. C’est super enrichissant. Chacun nous nourrit dans nos esprits, nos corps, nos âmes et nos cœurs.
Jeudi 26 janvier, c’est Republic Day en Inde. C’est également pour nous l’occasion de rencontrer Laure, David et leurs enfants. Cela fait des années que nous échangeons à distance avec ces anciens voyageurs. Aussi, nous sommes heureux de pouvoir vivre un temps privilégié en eur compagnie. Nous passons une journée merveilleuse avec eux. Une belle connexion se crée entre adultes et enfants. Décidément, Auroville nous apporte de l’incroyable !
En fin d’après-midi, Mickaël a organisé une rencontre avec des Aurovilliens. Encore un super moment avec des échanges riches, sincères et bienveillants.
Pour notre dernière soirée à Auroville, nous dînons avec Célia et Mathieu, Peggy et Cédric et Marilou. Pendant que nous échangeons entre adultes, les enfants s’éclatent tous ensemble !!!
Vendredi matin, avant de partir, nous allons expérimenter chez Svaram, le Sound Garden (jardin sonore) d’Auroville. C’est magique, les enfants adorent et nous aussi. Nous jouons avec les matières (pierre, métal, bois) et nous jouons également avec les sons. Je crois que le plus magique des instruments que nous ayons pu expérimenter est la Sonic Stone, une pierre sculptée que l’on vient frotter avec les doigts humides. En effet, il sort de cet instrument une vibration sonore qui nous fait vivre une expérience multisensorielle. Le toucher et l’ouïe, mais aussi notre énergie intérieure qui se manifeste avec la résonance et la sonorité. Cet instrument est magique !
Vendredi midi, après un dernier déjeuner avec Mathieu et Célia, il est temps de dire au-revoir, mais pas adieu, à Auroville …
Aujourd’hui, grâce à Auroville, nous sommes encore plus ancrés dans nos convictions. Rien ne se fera sans unité, qu’il est indispensable d’être acteur du changement, qu’il faut prendre soin du vivant, que les enfants sont LA priorité et que la transmission des savoirs est primordiale.
Nous quittons donc Auroville avec nos cerveaux qui tournent à une vitesse incroyable. Nous imaginons tous les possibles pour nous (Yannick et moi), pour notre meute et pour notre planète …
Bonjour l’AMOUR en vadrouille. Quel magnifique récit, commentaire de votre passage, présence à Auroville, qui pour moi fait partie des lieux inconnus. Merci, cordialement. Jean Marie