C’est parti pour parcourir les 814 km de la N35, l’une des routes les plus mythiques du monde. La deuxième route goudronnée la plus haute du monde emprunte l’un des itinéraires de la route de la soie. La N35 relie le Pakistan à la Chine en passant par le col de Khunjerab à 4693 mètres d’altitude et côtoie des sommets à plus de 7000 mètres d’altitude et même un des 14 sommets de plus de 8000 mètres, le Nanga Parbat.
La mythique Karakorum Highway, ou « Route de l’amitié pour les Chinois », a été achevée en 1978. Pourquoi cette précision d’amitié POUR les Chinois ? Car elle a été co-construite par les Pakistanais et les Chinois. Après plus de 20 ans de dur travail, 810 Pakistanais et 82 Chinois ont perdu la vie du fait du terrain difficile. Et les travaux ne sont pas terminés puisque d’autres sont en cours pour améliorer la route. Nous espérons que ces travaux démesurés ne dénatureront pas les paysages.
Notre ami Hussain nous a ainsi concocté un petit trajet sur cette N35 que nous avons hâte de découvrir. Et nous sommes ravis de vous emmener avec nous !!!
Notre première journée sur la N35
Après avoir dormi près du lac Khampur Dam et avoir pris le temps de faire l’école, nous repartons pour la route N35. Les premiers paysages de montagnes que nous voyons sont superbes, très verts. Et nous sentons l’air qui commence à se rafraîchir !
Nous arrivons à Chattar Plain, où nous sommes arrêtés par des policiers qui vont nous escorter sur environ 40 km. Hussain nous avait prévenus de cette possible escorte. Nous ne sommes donc pas surpris. C’est donc parti pour les suivre sur une route en moyen état. Nous traversons le village de Battagram. C’est un peu la folie ! La circulation est très dense entre les piétons, les motos, les tuktuks, les voitures et les camions, le tout dans une rue sur laquelle de chaque côté sont garés des véhicules. Ça klaxonne dans tous les sens, les piétons passent leur temps à se faufiler entre les véhicules, mais nous nous en sortons !
Après environ 7 heures de route, nous sommes épuisés, et j’ai mal aux reins !!! Nous décidons donc de nous arrêter à Besham sur le parking d’une station-service.
Il faut savoir que dans cette région du Pakistan, nous ne sommes pas très loin de la frontière avec l’Afghanistan (oui, encore) et donc la police est très présente et ne nous laisse pas bivouaquer en pleine nature. Donc, pour ne pas être obligés de dormir dans des hôtels ou dans des police stations, nous avons décidé de tenter les stations-service.
Et pour cette première nuit, nous sommes accueillis chaleureusement par le propriétaire qui nous met à disposition les sanitaires, et nous permet de faire le plein d’eau.
Une deuxième journée, un jour d’anniversaire
Après une nuit plutôt calme, nous nous réveillons pour vivre une journée spéciale. Nous sommes le mercredi 26 octobre. Il y a 10 ans, Liam nous faisait la joie de venir au sein de notre meute pour l’agrandir !
Et cette journée commence super bien. Tout le monde se lève de très bonne humeur. On entend des « Joyeux anniversaire ! » toutes les 5 minutes, et c’est trop chouette. Notre louveteau est au taquet ! Pendant que je fais des pancakes pour le petit-déjeuner, il prépare tout seul son gâteau d’anniversaire. Trop fier de lui !
Mais aujourd’hui, Ookami a décidé de faire son intéressant (serait-il jaloux que toute notre attention soit portée sur Liam ?!). Il ne veut pas démarrer ! Les employés de la station nous aident à le pousser dans une descente, mais rien à faire. Nous mettons Ookami sur le bas-côté et Yannick essaie de regarder dans le moteur, mais il ne voit rien. Un Pakistanais vient le voir pour lui proposer son aide. Il propose d’appeler un ami qui est mécanicien. Évidemment, nous acceptons.
Nous attendons plusieurs minutes avant son arrivée, mais à peine là, il se met au travail, avec l’aide de deux autres hommes. Après environ une heure et trente minutes de recherches, Ookami est prêt à repartir !!! Merci messieurs !
Notre Liam redevient notre priorité !!!
Nous reprenons donc la route de la N35, et les premiers kilomètres sont très faciles. Mais à partir du village de Pattan, la route se détériore beaucoup. Il y a énormément de nids de poule et de travaux… de gros travaux !
En effet, comme je vous le disais en introduction, il y a toujours des travaux pour améliorer la N35. Et pour ces travaux, les ouvriers provoquent des explosions dans la roche de la montagne au-dessus de la route. Pour ce faire, les ouvriers coupent la circulation pendant de longues minutes pour protéger les usagers de la route. Et, forcément, nous sommes aussi arrêtés à plusieurs reprises.
Nous pensons à notre Liam qui est bloqué ici pour l’heure de son goûter d’anniversaire. Nous n’avions pas du tout prévu cette journée comme cela. Mais, pour notre louveteau, tout est ok. Même il trouve cela génial ! Il décide même de souffler ses bougies (qui seront des allumettes faute d’avoir retrouvé les bougies) d’anniversaire pendant l’une de ces pauses. Il est entouré de nombreux Pakistanais qui sont venus nous voir. Et petite cerise sur le gâteau, l’un d’eux lui a même offert un cristal de roche.
Pour cette deuxième journée, nous avons parcouru 120 km en 5 h 30… Notre objectif était de rejoindre Chillas, mais ce ne sera pas possible. La nuit commence à tomber, nous trouvons donc un petit emplacement près du petit (tout petit) village de Sumar Nala. Des enfants viennent nous voir, et nous leur offrons quelques petits cadeaux.
Pendant la préparation du dîner, un policier vient nous voir, nous informant que nous ne pouvions pas rester là, car « c’est trop dangereux ». (On a tenté, c’est raté !). Il nous demande donc de nous garer à côté de la police station. Nous sommes juste sur le bord de la route… Tant pis, cela fera l’affaire pour la nuit.
Une troisième journée entourés de géants
Le lendemain, nous reprenons la route de bonne heure. Pour l’heure du goûter, nous arrivons à la Three Mountains Junction, la jonction de trois chaînes montagnes. Trois célèbres chaînes montagnes. De quelles chaînes montagnes s’agit-il ? Le Karakorum (le gravier noir), l’Himalaya (la maison de la neige) et l’Hindu Kush (le tueur d’Hindous). C’est donc à ce point, situé le long de la N35 que ces trois chaînes de montagnes se rejoignent.
Le Karakorum couvre sur environ 500 km les frontières entre le Pakistan, l’Inde et la Chine. Dans un rayon de 160 km, cette chaîne de montagnes abrite la plus forte concentration de sommets (plus d’une centaine) qui dépassent les 5 500 m d’altitude, dont le deuxième plus haut sommet du monde : le K2 qui culmine à 8 611 m d’altitude.
La chaîne de l’Himalaya abrite quant à elle le deuxième plus haut sommet du Pakistan : le Nanga Parbat qui culmine à 8 126 m d’altitude et que les locaux surnomment la « montagne tueuse ».
Enfin, la chaîne de l’Hindu Kush abrite surtout des pics dont beaucoup font moins de 7 500 m de haut.
Pour pouvoir admirer ce point de vue sur la Three Mountains Junction, nous nous arrêtons sur une plateforme qui nous offre une vue à 360 ° sur ces superbes montagnes.
Après cette chouette pause, nous reprenons la route pour rejoindre la ville de Gilgit. Nous avons le plaisir de pouvoir admirer le majestueux Nanga Parbat, deuxième plus haute montagne du Pakistan et neuvième plus haute montagne du monde, qu’il domine du haut de ses 8 126 m d’altitude.
Pour la nuit, nous nous posons sur le parking d’une station-service. Une nouvelle fois, le propriétaire nous accueille chaleureusement et il nous donne son numéro personnel si nous avons besoin de quoi que ce soit. Pour cette troisième journée, nous avons parcouru environ 200 km en 7 h 30 !
Une quatrième journée… suspendus
Après une nuit super calme, c’est reparti pour la N35 ! Sur les premiers kilomètres, nous faisons connaissance avec la montagne Rakaposhi (mur brillant). Elle est le 26e plus haut sommet du monde et le 11e du Pakistan, du haut de 5 900 m d’altitude.
Après le déjeuner, nous arrivons au lac Attabad, résultat d’une catastrophe naturelle. En 2010, un important glissement de terrain bloqua la rivière Hunza pendant 5 mois. Sur 25 km, la route du Karakorum fut inondée pour former ce lac. Ce glissement emporta aussi des maisons, écoles, commerces, usines et terres agricoles. Pendant 5 ans, les véhicules voulant emprunter cette voie devaient embarquer sur une barge qui les menait de l’autre côté. En 2015, après de longs travaux, la route a rouvert. On y emprunte des ponts et 5 tunnels dont l’un d’eux mesure 3360 m de longueur.
Parmi les curiosités que nous avons également pu voir le long de la N35, il y a le pont suspendu d’Hussaini. Sur plus de 200 m, il passe au-dessus de la rivière Hindus. Rien de bien extraordinaire me direz-vous ! Sauf que les planches de celui-ci sont espacées de 10 cm à 60 cm. Maïa et Yannick ont réussi à faire l’aller-retour sans difficulté. Luna et Liam ont franchi les 10 premières planches et ont fait demi-tour. Quant à moi, j’ai réussi à parcourir le premier tiers. Le plus fou dans tout ça, c’est que nous avons vu des bergers traverser ce pont avec un ou deux moutons sur le dos, non pas en marchant, mais en sautillant. Une promenade de santé pour eux !
Après un petit chai face à ce pont, nous reprenons la Karakorum Highway. Nous arrivons devant les magnifiques Passu Cones. Aussi appelés la cathédrale de Passu, ces cônes s’élèvent à une altitude de 6106 m. On se fait une pause photo pour profiter des derniers rayons du soleil qui viennent éclairer ces pics.
Sost, nous arrivons enfin dans le dernier village pakistanais avant la frontière chinoise. Nous sommes à 2 800 m d’altitude et le froid s’est bien installé. Nous demandons à un propriétaire de station-service si nous pouvons rester pour la nuit. Il accepte avec le sourire. Nous dînons, nous commençons à préparer Ookami pour dormir quand quelqu’un frappe à la porte. Le propriétaire nous dit que nous ne pouvons pas rester. Nous ne comprenons pas… Nous quittons donc cette station pour faire quelques mètres et demander à la station suivante. Ici, nous pouvons rester. Tant mieux parce qu’après 6 h 30 de route pour parcourir environ 180 km, la fatigue nous a gagnés.
Une cinquième journée en altitude
Le lendemain matin, nous reprenons la route pour faire les 90 derniers kilomètres de la N35 qui nous permettent de rejoindre la frontière chinoise, Khunjerab Pass. Ce bout de route se situe dans le parc naturel de Khunjerab. Nous payons l’entrée 8 000 roupies (4 000 roupies ou 20 $ par adulte). Une partie de ce montant est reversée au parc, l’autre partie est reversée au service de l’environnement.
Sur la route, la neige se fait de plus en plus présente, pour le plus grand plaisir de nos louveteaux. Sur le bord de la route, nous voyons un homme qui observe des animaux avec une longue vue. Il nous fait signe de nous arrêter. Nous avons la chance de voir des ibex, le bouquetin de Sibérie, une espèce menacée et donc protégée.
En montant vers le sommet, nous voyons de magnifiques rapaces. Nous n’avons pas réussi à les identifier, mais ils sont majestueux. Plus haut, la neige est partout, même sur la route. Nous croisons d’imposants yaks qui paissent tranquillement.
Nous arrivons enfin au sommet du col de Khunjerab Pass. Ici se trouve donc le plus haut passage frontalier de la planète avec ses 4700 m d’altitude. Nous ne pouvons pas trop nous approcher, mais à quelques dizaines de mètres, nous voyons la frontière avec la Chine… Nous nous mettons à rêver de pouvoir passer cette frontière pour poursuivre la N35 jusqu’au bout. Mais, non. Les frontières chinoises sont toujours fermées et, apparemment, elles vont le rester pendant encore longtemps !
Après quelques photos, nous entamons la descente de la Khunjerab Pass. Nous déjeunons à environ 4 000 mètres d’altitude. Je commence à avoir un sérieux mal de tête. Je bois beaucoup d’eau et je crois que nous n’allons pas traîner longtemps ici !
Sur la route, nous avons la surprise (mauvaise ?) de voir un énorme rocher sur la route. Et il n’était pas là ce matin !!!
Nous nous arrêtons dans le village de Hunza pour la nuit, après 7 heures de route pour parcourir environ 260 km. Ici, nous voyons les conséquences des inondations survenues l’été dernier. Ces événements ont détruit une partie de la route de la ville basse et des habitants vivent dans des préfabriqués. Pour rappel, les inondations de l’été 2022 ont fortement touchés la région du Gilgit-Baltistan (où nous sommes).
Une sixième journée sur le retour
Le lendemain, nous reprenons la route après l’école. Nous faisons un nouvel arrêt à Passu Cones pour prendre encore quelques photos. Nous croisons à nouveau le Rakaposhi qui nous impressionne toujours autant !
Après avoir parcouru environ 220 km en 7 h, nous décidons de nous arrêter sur le parking de la station-service du petit village de Chilas. Il n’est pas trop tard (pour une fois), c’est donc l’occasion de nous promener un peu dans le village pour faire quelques courses.
Une septième journée pluvieuse
Pour cette septième journée, nous parcourons la route en mauvais état. Notre temps de route est encore une fois ponctué d’arrêts en raison des explosions pour les travaux. Le temps est très couvert aujourd’hui, et la pluie finit par s’inviter. Nous sommes fatigués, et rouler sur cette route avec la pluie ne nous enchante pas. Donc, nous décidons de nous arrêter à la station-service de Pattan, où le propriétaire nous accueille encore une fois chaleureusement. Nous venons de parcourir 165 km en environ 8 heures.
Vers 20 h, des policiers frappent à la porte et nous disent que nous ne pouvons pas rester ici pour notre « sécurité » et que nous devons aller à Besham. Yannick essaie de les convaincre de nous laisser rester (surtout que nous sommes près de la police station), mais il n’y a rien à faire. Nous prenons quand même le temps de mettre les enfants au lit, nous partons pour Besham !
Après 1 h 30 de route pour 40 km, nous arrivons à Besham pour la nuit. On se pose à la station-service où nous avions dormi la dernière fois. La nuit est très calme !
Une huitième journée, fin de notre vadrouille sur la N35
Cette huitième journée est donc la dernière de notre périple sur la N35, la Karakorum Highway. Nous avançons tranquillement jusqu’à Battagram. Dans ce village, la police nous interpelle et nous demande de nous arrêter. Pendant quelques selfies et un chai, ils organisent notre escorte jusqu’à Mansehra.
Là-bas, nous faisons une pause pour le déjeuner avant de rejoindre Islamabad, la capitale du Pakistan.
Après avoir parcouru 270 km pendant 7 heures, nous arrivons au Rose and Jasmine Garden qui va nous accueillir plusieurs jours (je vous raconte tout cela dans le prochain article).
Et voilà, notre vadrouille sur la N35, la Karakorum Highway, s’achève ici. Ainsi, pendant huit jours, nous avons roulé pendant 57 heures pour parcourir environ 1 655 km ! Une sacrée vadrouille qui nous aura offert de merveilleux paysages !!!