Saint-Pierre, autrefois surnommée le « Petit Paris des Antilles », est une ville dont l’histoire est aussi riche que tragique. Pour comprendre sa grandeur passée, il faut remonter au 15 septembre 1635, lorsque le flibustier Pierre Belain d’Esnambuc et ses 150 colons fondèrent la première colonie française permanente de Martinique, le Fort Saint-Pierre. À partir de là, les colons ont entrepris la conquête de l’île, et Saint-Pierre est rapidement devenue la capitale administrative, économique et culturelle de la Martinique.
Ascension et déclin de Saint-Pierre
Malgré le transfert du palais du gouverneur à Fort Royal (aujourd’hui Fort-de-France), Saint-Pierre a conservé son statut de capitale économique et culturelle des Antilles. En 1789, les Pierrotins se sont rangés du côté du pouvoir révolutionnaire contre les békés, les grands producteurs blancs qui préféraient la royauté. Grâce à l’industrie sucrière et au commerce des esclaves, Saint-Pierre a prospéré, attirant des navires marchands du monde entier. La ville s’est modernisée et rivalisait avec les grandes villes européennes.
Cependant, cette prospérité a pris fin en mai 1902, lorsque la montagne Pelée est entrée en éruption.
La tragédie de 1902
Début avril 1902, des fumerolles sont apparues au sommet de la montagne Pelée. Elles sont suivies de pluies de cendres et de grondements souterrains. Le 23 avril, un grand nuage de roches et de cendres s’échappait du sommet. Le 27 avril, jour du premier tour des élections législatives, une forte odeur de soufre envahissait Saint-Pierre. Les détonations et tremblements de terre se sont intensifiés jusqu’au 2 mai, créant une panique parmi les habitants.
Le 5 mai, les rues de la ville ont été envahies par des serpents fer-de-lance chassés des hauteurs par les cendres brûlantes. Leur morsure mortelle a tué 50 personnes et plus de 200 animaux. La même journée, l’usine sucrière Guérin a été ensevelie sous plus de six mètres de boue brûlante, faisant 25 victimes. Le 8 mai, jour de l’Ascension, une nuée ardente a dévalé la montagne Pelée à une vitesse de 670 km/h, tuant 26 000 personnes et détruisant 40 navires dans la rade. Deux personnes ont survécu : un prisonnier, Cyparis, et le cordonnier Léon Compère-Léandre.
La renaissance de Saint-Pierre
Après l’éruption, la ville a été pillée par les voisins et l’État français, qui a récupéré les biens précieux. Saint-Pierre est restée en ruines pendant plusieurs années, sa grande rivale Fort-de-France prenant sa place comme capitale économique et culturelle. En 1923, la ville a retrouvé son statut de commune et a commencé à se reconstruire.
Une ville mémorable
Aujourd’hui, Saint-Pierre porte les traces de son passé tragique. Des ruines classées monuments historiques sont disséminées dans la ville, offrant un aperçu unique de son histoire. Le théâtre de la ville, avec son escalier double et sa fontaine centrale, laisse imaginer la grandeur d’autrefois. La prison, où Cyparis a survécu à l’éruption, est un rappel poignant des conditions de détention de l’époque.
En parcourant les ruines des magasins et des habitations, on peut imaginer l’activité qui régnait autrefois dans cette ville prospère. Saint-Pierre s’est relevée de ses cendres, mais elle conserve fièrement ses cicatrices, racontant son histoire pour que personne n’oublie ce chapitre de l’histoire de la Martinique.
Une visite à Saint-Pierre est un hommage incontournable à la résilience de cette ville et à l’histoire de la Martinique. La ville nous rappelle que même après une tragédie, il est possible de renaître et de préserver la mémoire du passé.